Aujourd’hui la contestation est partout. Des conflits que l’on croyait dépassés resurgissent et déferlent sur les sociétés actuelles avec une virulence nouvelle. Les grèves des femmes et les grèves climatiques mobilisent des centaines de milliers de personnes; Black Lives Matter et la critique postcoloniale s’insurgent contre les sociétés coloniales du passé – et les politiques d’immigration actuelles – en les confrontant au pouvoir persistant des classifications raciales, voire racistes. Les politiques d’austérité se voient confrontées à des résistances alternatives. En même temps, le concept de «vote de protestation» tend à faire des mécanismes de la démocratie des instruments d’opposition. Dans cette perspective, la formule du populisme apparaît comme un instrument commode d’interprétation des mutations des rapports de force, vers la droite comme vers la gauche. Dans ce contexte, tous les commentaires portant sur les mouvements de protestation du passé deviennent presque automatiquement politiques: leur histoire s’expose forcément à la suspicion d’héroïsation ou à une présomption de jugement posthume. Des formes plus subtiles de politiques de l’histoire tendent à qualifier les protestations du passé comme rationnelles et adéquates, seulement pour condamner d’autant plus fermement celles du présent. Et parfois, les conflits sociaux et politiques sont tout simplement évacués de l’interprétation des transformations historiques.